Le 11 mai 1952 à Martelange
Le roi Baudouin inaugurait le monument aux Chasseurs ardennais


La revue "Le Chasseur Ardennais", dans son numéro de juin 1952, donnait le compte rendu suivant de la cérémonie, sous la plume de M. Albert Hubert, à l'époque Directeur de la revue.
Le 11 mai 1952 restera sans doute le plus beau jour dans les annales de la Fraternelle des Chasseurs Ardennais. Car, ce fut une grande, une très grande journée que celle de l'inauguration du Monument national érigé à Martelange, en l'honneur des Chasseurs Ardennais.
Le Monument, caractéristique et Imposant, s'insère parfaitement dans le cadre magnifique qui l'entoure. Adossé au contrefort de la montagne, dressé sur un éperon de schiste, face à l'Est, noire sanglier. superbe, hirsute, écumant de colère, défiant ses ennemis, est plus réellement que jamais le symbole de la résistance décidée de nos Chasseurs Ardennais. Les bas-reliefs, taillés dans l'ardoise de Martelange - une innovation et une révélation - glorifient les exploits des bérets verts ; ils constituent, comme le sanglier, une œuvre de grande envolée, qui n'a rencontré chez les critiques que des éloges. Cette unanimité est extrêmement rare.
Rehaussée de la présence de Sa Majesté le Roi et des plus hautes autorités du pays, la cérémonie inaugurale fut à la fois simple et majestueuse, solennelle et prestigieuse.
Combien émouvant le long ruban que formaient à perte de vue les détachements des jeunes Chasseurs Ardennais de l'armée nouvelle et les pelotons massifs des Anciens, qui étalent venus à plus d'un millier, portant le glorieux béret vert. Côte à côte, anciens et jeunes ont communié dans les mêmes sentiments de fierté, d'exaltation patriotique et de souvenir ému pour les plus glorieux des nôtres, ceux qui ont poussé leur héroïsme jusqu'au suprême sacrifice.
Les discours, qui n'avalent nullement été concertés, rendaient exactement le même son, bien que chacun conservât son originalité, son sens particulier. Tandis que M. Hector mettait l'accent sur la fierté et la reconnaissance du Luxembourg à l'égard de ses enfants, le Ministre de la Défense Nationale traçait une fresque Impressionnante des exploits des bérets Verts et leur apportait le témoignage de l'admiration du pays entier.
Le baron Nothomb présenta le Monument avec une éloquence et une force imagée, réellement admirables, tandis que notre Lieutenant Général Descamps laissait parler son cœur, qui était Vraiment celui de tous les anciens Chasseurs Ardennais.


Devant le Roi, trois grands mutilés de guerre ont dévoilé le sanglier de bronze, ainsi que les deux panneaux latéraux représentant des scènes de combat. Ils se sont ensuite reculés d'un pas et, avec toute l'assemblée, ils saluent le monument.
Si toute la cérémonie, dont le programme se déroula sans le moindre accroc, restera un inoubliable souvenir pour tous ceux qui y participèrent, elle compta quelques grands moments particulièrement poignants : ce fut d'abord l'arrivée du Roi, et sa longue descente, presque interminable, pour la foule impatiente, devant le front des troupes et des Anciens ; il y eut ensuite le dévoilement du Monument, dans un silence religieux, par trois grands invalides: ce fut aussi le fracas des explosions, les fusillades, évocation frappante du choc sanglant à la frontière, le 10 mai 1940 ; enfin - et ce fut certes le spectacle le plus exaltant - le défilé des Anciens, qui arracha des acclamations et des larmes aux assistants. Ah ! ils avaient fière allure ceux de Bodange de Bastogne, de Chabrehez, de Belgrade et Temploux, de. la Dendre, de Vinkt, Deinze et Gottem... Ils paraissaient tous rajeunis de dix ans, impeccablement alignés, ayant retrouvé comme d'instinct leur cadence caractéristique, les yeux franchement tournés vers le jeune Souverain, qui dissimulait difficilement son émotion.


Vu de près, le salut de MM. Fernand Delhamende, Léon Ney et Albert Hubert.

Ce fut une grandiose apothéose qui restera longtemps gravée dans le cœur de ceux qui la vécurent.
La liste est longue des remerciements qu'il convient d'adresser à tous ceux qui ont contribué à assurer le succès de cette journée.
En daignant assister à la cérémonie, le Roi a comblé nos vœux les plus chers. Par sa seule présence. II a donné à la manifestation un retentissement énorme. Les respectueux remerciements que nous nous permettons de Lui exprimer s'adressent aussi à son auguste père, le roi Léopold III, qui, en offrant pour le Monument une palme et en chargeant son fils de déposer une couronne de fleurs à son nom, a tenu à montrer qu'il n'oubliait pas ses anciens soldats.


Le roi Baudouin, aidé du capitaine Joseph Botton, dépose une couronne de fleurs au pied du monument

Notre reconnaissance va aussi à M. Van Cauwelaert, Président de la Chambre des Représentants, M. Struye, Président du Sénat, M. Van Houtte, Premier Ministre, M. Pholien, Ministre de la Justice, le colonel BEM De Greef Ministre de la Défense Nationale, S. Exc. Mgr Charue, évêque de Namur, Mgr Cammaert, Aumônier Général, M. Hector, Gouverneur ff. du Luxembourg, MM. les Généraux, MM. les Parlementaires et toutes les autres personnalités qui nous ont fait l'honneur de répondre à notre invitation.
Le Comité du Monument a mérité la reconnaissance Infinie des Chasseurs Ardennais, et particulièrement son Président, M. le Gouverneur Clerdent, qui fut malheureusement empêché d'assister à la cérémonie à cause d'une récente intervention chirurgicale, et le Lieutenant général Ley, qui en fut la cheville ouvrière; c'est surtout grâce à son inlassable dévouement que le Monument aux Chasseurs Ardennais est aujourd'hui une réalité. Au Comité, nous associons le Conseil provincial du Luxembourg et les communes luxembourgeoises, qui par leurs généreux versements, ont contribué à l'érection du Mémorial.
Le sculpteur André Fontaine a réussi une œuvre remarquable; son sanglier et ses bas-reliefs sont une parfaite réussite. Il a droit lui aussi à notre gratitude.
II nous est impossible de citer tous ceux qui ont participé à l'organisation de la cérémonie. En dehors du lieutenant général Ley, qui assura la liaison entre le Comité du Monument et la Fraternelle, le grand mérite de la réussite revient certainement au colonel Dumortier, qui fut vraiment le "deus ex machina" d'une machinerie terriblement compliquée. Non seulement il a pris sur ses épaules - heureusement fort larges - toute la participation militaire à la cérémonie, tâche qui fut facilitée par la compréhension et l'appui du Ministre de la Défense Nationale, mais il a eu aussi la plus grande part dans l'organisation matérielle. C'est de lui que sont venues toutes les suggestions qui ont conféré à la manifestation son cachet si original et prenant, et notamment l'association des jeunes et des anciens, la désignation d'un commentateur de la cérémonie, l'évocation saisissante des combats. Nous lui devons déjà tant que les mots font bien pauvres pour lui exprimer comme il conviendrait notre vive reconnaissance.
Le colonel Krach, a assumé un travail énorme, spécialement dans la préparation de. la participation de la Fraternelle. On est tellement habitué de le voir se dépenser sans compter pour la Fraternelle que nul ne songera à s'en étonner. C'est à lui qu'il faut attribuer, dans une très large mesure, la participation massive des anciens.
Notre ami Louis Heimbacker ne fut pas seulement un maître de cérémonies up to date... sur le terrain, mais il travailla lui aussi d'arraché pied à la mise au point méticuleuse de la journée.
Le camarade Van Hoof, secondé par nos amis de Martelange, a réussi un véritable coup de maître en aménageant en moins de quinze jours les abords du Monument, qui avaient encore l'aspect d'un chantier lors de notre assemblée générale. Lui aussi est un dévoué hors ligne.
Raymond Reuter s'acquitta mieux qu'un professionnel de ses fonctions importantes de commentateur de la manifestation ; grâce à lui, le public put en suivre le déroulement minute par minute.
La responsabilité du service d'ordre incombait au commandant de gendarmerie Arend; ce fut parfait et compréhensif, comme il se devait. Merci donc au Commandant Arend et à ses gendarmes.
Grand merci encore au capitaine Lecrombs et aux équipes de l'École d'Infanterie, à l'INR, pour son splendide reportage réalisé par Jacques Lacomblez, aux délégués de la presse, au ténor Lahaye, au Rallye St-Hubert, à nos dévoués commissaires, si bien stylés, et à tous les autres qu'il nous est impossible de citer... Nous ne voudrions cependant pas omettre - et nous l'avons gardé pour la bonne bouche - le bourgmestre de Martelange qui nous a apporté tout le concours en son pouvoir.
Si tout le monde s'est plu à dire que la cérémonie était parfaitement organisée, sans que nous ayons eu recours à des "spécialistes", c'est que personne n'a rechigné au travail préliminaire. La plus belle récompense de ceux qui ont consacré de nombreuses heures à ce travail a été le succès triomphal de ce 11 mai.
Grognons, grognons tous ensemble de... satisfaction !

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