CHALLENGE FUSILIERS D'ASSAUT


Vogelsang du 16 au 20 septembre 1968.


1 CHASSEURS ARDENNAIS
1er Compagnie 1er Peloton
Commandant Emile Engels.

16 septembre. Trente trognes burinées par le vent, le soleil et la pluie viennent de sauter des camions. Pas une once de graisse sur ces têtes qui hument l'air vif de Vogelsang. Pour la plupart, c'est le premier séjour sur ces hauteurs pelées coupées de ravins aux allures de jungle. C'est ici qu'il va falloir ce battre!
L'optimisme et le calme des plus anciens rejaillit sur la horde. Tous ont bon pied depuis la marche du Souvenir et les multiples marches qui suivirent. L'œil est bon, exercé par tant de séances de tir. Quant aux doigts, ils jouent en virtuose avec les moindres ressorts, goupilles et axes des armes de peloton, passent sans effort de la brutalité du close-combat à l'exquise douceur d'infirmière pour les premiers soins. Quelques adversaires passent, lorgnant avec respect la hure des bérets verts. La confiance règne mais en bon Chasseur Ardennais on se refuse à vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

17 septembre. Dans la chambrée silencieuse, D.. termine sa lettre quotidienne destinée à sa fiancée. Un bic rageur griffe le cahier. " Ca y est, le tableau des résultats de la patrouille est publié. C'est incroyable, 100/175 et nous sommes … lanterne rouge alors que le 12 Li est en première place avec 152! Nous avons pourtant bien travaillé. Tu aurais du assister à la séance de camouflage, la chambre était un véritable salon de beauté ( Maquillage Elisabeth … Ardennes ) disait le capitaine. Nous étions presque invisibles sur le terrain. Et le bac à sable du Lieutenant: splendide. Même qu'un journaliste en a pris trois photos.

Le plus dur, c'était de se lever pendant la nuit, pour répandre dans la nature ce qu'on nous donnait à boire à la cantine ; la pluie, le vent, c'est pas amusant ; nous allions tous entre les grandes tentes, notre commandant y avait sa petite tente, c'était amusant de l'entendre crier : M…., il pleut encore. Le Colonel nous surprit en train de frire des truites ; nous lui expliquâmes que nous les avions pris dans le ruisseau qui passait en-dessous de la tente, il n'a pas voulu le croire. Enfin le camp se terminait. Le commandant nous fit les dernières recommandations. Les gondoles …, pardon les camions chargés pour huit heures ; arrivés à Van Dooren, personne ne peut aller aux wc avant que les FT soient déchargés. Les cyclistes nous accueillent à bras ouverts, ils avaient hâte, eux aussi, de goûter les joies du camping. Ah! quel camp, quel camp, mes rhumatismes ne sont pas près de l'oublier. Tout avait bien marché. Même F.., celui qui ne dit jamais rien a su répondre aux questions de l'arbitre. Et B.. qui parle toujours a su se taire quand on ne lui demandait rien. Et puis il y eut la surprise de l'objectif placé à un endroit où on ne l'attendait pas. Tout le monde y a mis du sien : fouille des prisonniers, réorganisation se sont déroulées sans heurt. Il faut avouer qu'une pénalisation de 52 points pour l'assaut c'est excessif ! Demain à la piste d'obstacles et au tir ça va barder …"

18 septembre. Caporal RION, soigneur ( petite voix mais grand courage ) : il reste encore des muscles à masser. Allons mon ami, allongez-vous …1er Chef CAMUT ( moustaches tombant plus bas que de coutume ) : moi je vous dis que c'est une erreur du bureau de calcul . D'ailleurs, il n'y a rien de perdu .. 1er sergent FLAMENT ( revoit pour la centième fois dans sa tête le film du passage de la piste ) Hum …, hum … D .. ( écrivant sa lettre quotidienne ) Ma chérie, je te quitte car le Lieutenant vient d'arriver. Il va y avoir briefing pour les épreuves de ce jour. Après : Cpl RION 8,27 à la piste, c'est un beau temps. Nous serions donc 4ième pour cette épreuve. Pas mal. Allons mon ami, allongez-vous …

Chef CAMUT (moustaches remontées d'un cran) : il paraît qu'ils ont fait 100 impacts au tir. Deux trop peu pour obtenir le maximum de points ! C'est bien, c'est bien, on remonte ! J'ai le lait et les petits pains sont commandés. Un arbitre rentrant de MALSBENDEN confirme 100 impacts contre 83 au 12 Li, mais une seule grenade Energa au but contre 5 au 12 Li. Le commandant de compagnie : Grr ….grrrr ( bruit de bic additionnant les résultats ) ! D.. ( terminant à la tombée du jour sa lettre quotidienne ) … en conclusion, nous gardons notre place confortable mais le sort a bien failli tourner aujourd'hui. Quatre grenades au lieu d'une au but ( cela eut été un résultat normal ) et nous remontions de deux places. Surtout ne perdons pas courage ! Demain sera une journée importante, très importante : armement, NBC ( machines atomiques et ports fumigènes …! ) sentinelle, lancement de grenades, navigation et premiers soins. On va jouer près de 500 points. On répète encore ce soir. Ca doit marcher. P.S C'est pour te donner une idée de l'ardeur de la lutte, le 6 Li qui est ce soir en tête a totalisé 295 points sur 300. Et cinq unités sur sept ont atteint ou dépassé 100 impacts au tir.


Photos : collection Beernaert Walter.


19 septembre Tant d'obstination, de volonté, de refus de se laisser aller au découragement, en un mot tant de courage devait forcer la chance. Oh ! sans doute pas autant que nous le souhaitions. Aucune de ces malchances raffinées inventées par des esprits imaginatifs n'a accablé nos adversaires. Nous occupons maintenant la 6ième place. Les points obtenus reflètent cette fois la vraie valeur de nos guerriers. L'écart avec la première place au classement a diminué de 13 points. Il suffirait de 25 points pour être second. Ainsi tout est remis en question. Les mains tour à tour habiles, brutales ou caressantes, les biceps lançant ou ramant et les langues soudain déliées ont fait réaliser l'impossible : la marche, cette nuit, désignera le vainqueur. A SPICH Le Commandant en Second contacte Monsieur l'Aumônier : " Vous voudrez bien prendre langue dans le meilleur délai avec le Saint Adéquat à l'effet d'aider au maximum nos gars à Vogelsang ". Adjt MONVILLE devant le tableau d'affichage : " Ce soir, c'est moi qui vous le dis, ils vont casser la baraque ! 1er Chef OLY : ( remettant au chauffeur du Colonel le courrier pour Vogelsang murmure entre ses dents ) " quatre lettres pour D.. aujourd'hui. Tiens, c'est une de plus que d'habitude ! "

Le franchissement du mur
Par le peloton 1CHA.


20 septembre 10.00hr : le BPS de Vogelsang transmet un télégramme ainsi conçu : " Chérie - stop - marche terminée - stop - style marche de la mort - stop - certainement premiers à cette épreuve - stop - incapable d'écrire d'avantage - stop - confiance - baisers D.. 11.45 hr : Le tableau d'affichage, les figuratifs glissent de haut en bas, de bas en haut. C'est la joie, là la tristesse. Pour nous tous, une grande joie. Grignoter 45 points, jour après jour épreuve après épreuve, les tripes nouées par le trac et revenir à la 3ème place à un écart de 9 points, avouez … il faut le faire !!

Le classement final : 1. 4me Cyclistes avec 930 points sur 1.150, 2. 6me de Ligne, 3. 1er Chasseurs Ardennais avec 921 points.

Article de " LA HURE octobre 1968 " signature de E. ENGELS Commandant de la 1er Compagnie. Archives de l'article et photos de Beernaert Walter Cpl milicien à l'époque.

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